Silvia Schreiber (°1956, Munich) réalise des portraits de personnes existantes et anonymes. Le portrait est un genre détenant une mémoire séculaire, qui n’est toutefois exercé que rarement par les artistes contemporains.
La plupart du temps, Schreiber réalise des portraits de personnes qu’elle connaît ; à une seule occasion, elle a représenté une figure historique. Il s’agit souvent de personnes avec lesquelles elle collabore dans le cadre d’un projet, ou qui sont liées d’une manière ou d’une autre au projet ou au lieu de l’exposition.
Schreiber utilise délibérément plusieurs médias, ce qui lui permet d’étudier d’une manière particulièrement sensible et en même temps analytique la façon dont chaque média modifie l’image de l’individu représenté. Elle part de photos existantes ou qu’elle a prises elle-même pour sculpter un buste en argile. L’aspect purement visuel est ainsi transformé en un acte tactile par excellence – le modelage de l’argile –, ce qui produit une image tenant bien plus d’une impression instinctive que d’une reproduction photographique. Puis, l’artiste confectionne un moule négatif en plâtre des faces avant et arrière de la sculpture d’argile. Ce faisant, elle suit une technique de sculpture traditionnelle, si ce n’est qu’ensuite, ce n’est pas du bronze qu’elle met dans le moule, mais bien des petits morceaux de papier japonais de couleur vive, qu’elle colle ensemble. Le choix de la couleur du papier est assez intuitif, et est lié à l’"impression" globale de la personne représentée. Une fois le moule ôté, on obtient ainsi une image d’une "personnalité" ou d’une "individualité" qui est, au sens propre du terme, d’une minceur et d’une légèreté extrêmes. Dans certains cas, le processus de création se poursuit encore, et les statues de papier sont filmées ou photographiées. Au S.M.A.K., Silvia Schreiber ne propose pas une exposition au sens traditionnel : il s’agit plutôt d’une intervention architecturale.
L’artiste a réalisé cinq portraits en papier de personnes qui sont liées d’une manière particulière au musée et/ou à ce projet spécifique: outre Jan Hoet, il s’agit de son bras droit en matière de politique des expositions et d’un gardien du musée, ainsi que de Panamarenko et Marina Abramovic, deux artistes qui occupent une place singulière dans l’histoire du S.M.A.K. Après avoir photographié les sculptures, Schreiber a fortement agrandi les photos et les a imprimées sur des feuilles transparentes. Les photos ont ensuite été collées sur les longues fenêtres surplombant le musée (derrière lesquelles sont situés les bureaux). Chaque portrait a la couleur vive du papier japonais utilisé pour les sculptures et est répété quatre ou huit fois à l’identique. Le résultat final ne présente pas seulement cinq portraits individuels et particuliers. En effet, les différents stades du processus sculptural entraînent autant de transformations des photos d’origine. De plus, la répétition d’images identiques couplée à la monochromie et à l’échelle des images augmente encore la "désindividualisation" et provoque même une "monumentalisation". Dans une large mesure, les images se détachent des personnes représentées et, telles des ornements, vont faire partie de l’architecture. Mais en même temps, ces mêmes éléments – la répétition, la grande échelle, les couleurs vives – font naître une bonne dose d’ironie. Le musée fait un peu penser à un théâtre de marionnettes. L’intervention architecturale de Silvia Schreiber suscite par conséquent de passionnantes réflexions sur les relations entre divers médias comme la photographie, la sculpture et l’architecture, sur le rôle de l’ornement, qui a disparu de l’architecture depuis le début du 20e siècle, et sur la manière dont l’architecture et les arts plastiques donnent corps aux relations (à l’échelle) entre individu, institution et communauté. L’intervention architecturale n’est visible que de l’extérieur sur les fenêtres horizontales qui couronnent les façades avant, gauche et droite du S.M.A.K..