Mountain

Bien que son langage visuel soit toujours très épuré et ne soit servi que par une utilisation minimale de matériaux, Prieto réussit toujours à insuffler dans son travail une puissance narrative maximale. Ce faisant, il offre toujours au spectateur des images très lourdes qui, de façon très efficace, sont presque surchargées de sens. Ce qui ne signifie pas – bien au contraire – que l’œuvre de Prieto se prenne toujours au sérieux. Bien qu’il n’évite pas les questions sociopolitiques de son pays natal (et du reste du monde), son œuvre possède également une légèreté relativement humoristique qui rend cette problématique spécifique supportable sans pour autant la banaliser. C’est dans ses interventions minimales caractéristiques sur des objets du quotidien que l’on saisit le mieux la distance critique que Wilfredo Prieto prend vis-à-vis de la société dans laquelle il vit. Il modifie ces objets d’une manière tellement subtile que l’on aperçoit à peine la main de l’artiste. En même temps, du fait de ces manipulations minimales, ces objets deviennent particulièrement critiques vis-à-vis de la société, une dimension qui est encore renforcée par les titres percutants que Prieto donne généralement à ses œuvres. En réalité, Wilfredo Prieto est un artiste qui suscite la réflexion par la mystification. En transformant de la sorte des objets et des situations – qui par là même perdent précisément leur aspect de « readymade » naturel –, Prieto teste notre (in)disposition à considérer strictement cet objet comme son ordinaire ou justement à le regarder à partir de ce point où la banalité de son extérieur semble être un déguisement pour des questions éthico-esthétiques, culturelles et même sociétales. Pour son exposition au S.M.A.K., Wilfredo Prieto a réalisé l'installation 'Mountain' fortement axée sur l’espace muséal, qui étincelle de minimalisme, mais d’une dimension poétique et engagée.