Bien que les sources d’inspiration, la méthode utilisée, les formes et les sujets dans l’oeuvre de l’artiste gantois Willem Cole semblent de prime abord relativement simples, on ne peut cependant considérer son œuvre et la catégoriser de façon univoque.
Partant d’un mélange de science et de peinture, Cole fait des portraits d’amis et de membres de sa famille. Les œuvres ne sont pas simplement de la peinture, mais ne peuvent pas non plus être définies comme de la sculpture ou une installation. En vue d’un résultat aussi épuré et pur que possible, il mélange les genres et les média. Il calcule la masse volumique de personnes de son entourage et en déduit le volume. Ces volumes sont exécutés dans un matériau bien déterminé et exposés ainsi. L’œuvre de Cole est épurée, la force esthétique réside dans la rigidité de la forme, dans le caractère universel de l’abstraction. Le langage formel de Cole ne surgit cependant pas du néant. Il a commencé comme disciple - pour devenir plus tard assistant - de Dan Van Severen. Le langage plastique de ce peintre plus âgé est subtilement présent chez Cole.
Dans ses premières oeuvres, lorsqu’il était encore étudiant, le sujet de son œuvre était « l’espace ». Il observait toute la chambre et peignait l’espace entier sur le canevas bidimensionnel. Il a abouti rapidement à une surface entièrement noire. Bien que le principe pour parvenir à l’abstraction semble assez simple, une analyse relativement complexe du « regard » et du « voir » intervient ici. Il veut prendre distance dans la mesure du possible de la peinture virtuose pour accentuer la particularité du médium, une réalité bidimensionnelle, sans glisser dans un style naïf, enfantin ou expressionniste. A cet effet il puise dans la tradition de l’abstraction géométrique comme dans les sciences positives. Par une étude du regard il parvient à quelques conclusions simples qui déterminent son œuvre jusqu'à aujourd’hui. Une première constatation de Cole est que le champ de vision de l’œil est de 200 degrés. Il est intéressant de noter qu’il ne s’agit pas seulement de ce qui peut se voir littéralement mais que la frontière entre la perception empirique et la zone d’ombre comprise dans le même angle est abandonnée. La « sensation » d’une présence derrière vous, sans perception immédiate d’une forme, est imputable à l’œil. Les premières oeuvres de Willem Cole répondent surtout à cela. Dans des formes géométriques strictes, Cole examine, décrit et pose en même temps des questions sur la façon dont le monde est perçu. La ligne brisée, dans un angle de 200 degrés, est un élément constant de cette période. Si l’être humain , qui constitue toujours le sujet principal de son art, est dans ses premières oeuvres principalement présent de façon suggestive dans l’accentuation du « regard », l’œuvre de Cole évolue lentement vers un examen de la totalité du corps humain. Partant du regard et de la perception, il est de plus en plus attiré par la façon dont les hommes occupent et déterminent l’espace. Cette évolution va de pair avec sa découverte de la peinture de Piero della Francesca. Surtout la Madonna del Parto l’inspire. D’une façon purement scientifique, della Francesca parvient à un équilibre presque parfait entre l’émotion, la couleur, la forme et la spatialité. A partir de ce moment Cole se met à faire principalement le portrait de personnes. Si dans son œuvre précédente, la forme dominait, à partir de la série Je vous donne des couleurs, la couleur occupera une place plus importante.
Dans cette œuvre récente, le dialogue de la science et de l’intuition est intéressant. Les volumes sont définis de manière scientifique au moyen du poids du corps. La forme du volume est déterminée mathématiquement et la couleur est purement intuitive. Malgré l’abstraction poussée et la froideur extérieure, le caractère anthropomorphe reste particulièrement présent dans son œuvre. En outre, les formes sont loin d’être statiques et contiennent un jeu subtil de poésie et de références. Ainsi réfère-t-il par exemple dans un portrait de son épouse enceinte à la couleur de la Madonna del Parto tandis que la forme vue par devant est un volume parfait et comporte en profil un léger renflement. Il y a également les « portraits de croissance » que Cole fait de ses enfants. Il mesure le volume d’un moment donné et le rend dans une plaque plexi transparente dans laquelle sont gravés le nom de l’enfant et la date. Il répète cela tous les deux ans, et la plaque la plus récente est montée sur les autres. Le nom et la date sont toujours gravés au même endroit si bien qu’au bout d’un certain temps le nom reste lisible, mais les dates deviennent un entrelacement abstrait de signes, littéralement en plusieurs couches. De cette façon Cole crée un jeu de langue et d’image, d’abstraction et d’anecdotes. En niant la virtuosité et en faisant des volumes abstraits, monochromes, Willem Cole flirte constamment avec la frontière entre l’art et le design. Le caractère individuel qui se manifeste tant dans son choix radical pour des portraits que dans le fait qu’il ne représente que des personnes de son entourage immédiat, des amis et de la famille, transcendent cependant son œuvre et lui confèrent une poésie et une force plastique uniques.