L’oeuvre d’art se compose de feuilles de papier de couleurs, qui sont accrochées selon un système bien défini. Le nombre de feuilles installées varie en fonction du nombre de murs disponibles. L’oeuvre entre en interaction avec l’espace dans lequel elle est exposée, espace qui en définit partiellement la forme.
Dans ses Notes sur le Non-Peint (Notities bij het Niet-Geschilderde) de 1977, Rutault décrit les règles du jeu pour l’exécution de Gamme de 26 couleurs:
- Sur un mur donné ne peut être qu’une seule feuille de papier, soit blanche soit d’une autre couleur que blanche. Sont utilisées des feuilles de papier standard, en ce qui concerne aussi bien les formats que les couleurs.
- N’importe quel côté de la feuille est utilisable. Il n’y a ni recto ni verso, ni haut ni bas, ni largeur ni longueur. La feuille peut être utilisée dans n’importe quel sens pourvu qu’elle respecte l’orthogonalité du mur.
Claude Rutault explique la signification de cette oeuvre comme suit:
- Le papier n’est pas préparé, alors que la toile l’est, et il peut présenter l’une ou l’autre couleur sans être peint. La relation entre le papier et le mur sera définie, du peint au non-peint, par l’utilisation d’un papier d’une couleur différente de la couleur du mur, et qui varie selon une règle stricte en fonction de la couleur du mur.
- Le travail concerne le problème du blanc, ce blanc n’étant jamais le même: tantôt le blanc du mur, la feuille de papier sera alors de n’importe quelle autre couleur, tantôt le blanc du papier si le mur ne l’est pas.
- Contrairement à la toile peinte, le choix qui définit la relation exacte entre la couleur du mur et la couleur du papier n’est pas visible immédiatement. La seule évidence est l’utilisation d’une feuille de papier non-peinte.
Dans Gamme de 26 couleurs, la relation entre le papier et le mur est définie par la couleur du mur. Dans la plupart des musées, les murs sont blancs. Ce blanc est censé être neutre. Mais lorsqu’on expose une oeuvre d’art en blanc, qui sera en principe de la même couleur que les murs, le blanc des murs ne semble subitement plus aussi neutre. Pour reprendre les paroles de Rutault lui-même “cette oeuvre expose la fausse neutralité du mur”.
L’oeuvre de Claude Rutault s’inscrit dans l’esprit de la peinture fondamentale des années ’70. Les peintres se concentraient sur les principes formels et fondamentaux de la peinture abstraite, le seul but étant l’étude des éléments de base de l’instrument: dimensions, format, forme, surface, ligne, couleur, texture, matériel et procédé. La peinture était dépouillée de toute illusion et considérée comme une surface plane par excellence, recouverte de couleurs disposées d’une manière déterminée. La peinture fondamentale renvoie uniquement à elle-même. Il est à peine possible d’en faire moins.
