Ain’t No Grave Gonna Hold My Body Down

Son travail artistique constitue une réflexion sur les divers niveaux de signification dans notre culture contemporaine. Du cinéma à l’histoire de l’art et la politique, en passant par la littérature, la philosophie, la musique… L’artiste en isole des fragments qu’il utilise comme des pions pour créer une nouvelle histoire fondée sur la mémoire collective, comme les pierres de construction des ruines de nos pensées oubliées…

Difficile de classer concrètement l’œuvre de Paolo Chiasera sous l’une ou l’autre discipline. La peinture et le dessin, la vidéo, l’installation, la sculpture, la performance, tout est « bon » à mettre dans un enchevêtrement narratif dévoilé progressivement au spectateur comme un processus en cours. L’exposition Ain’t No Grave Gonna Hold My Body Down au S.M.A.K. se concentre sur divers processus artistiques qui se sont développés dans l’œuvre de Paolo Chiasera au cours des dernières années. Dans The Trilogy (2006-2010), Paolo Chiasera noue le dialogue avec trois artistes « hollandais » célèbres : Cornelius Escher (1898-1972), Vincent Van Gogh (1853-1890) et Pierre Breughel l’Ancien (1520-1569). The Trilogy est un ensemble d’œuvres – sculptures, vidéos et dessins à la gouache – qui s’est bâti progressivement depuis 2006. Le pivot de ce projet complexe est l’introspection artistique. Chiasera déboulonne le mythe de l’artiste omniprésent et tout-puissant et fait intervenir ces grands Maîtres de l’histoire de l’art comme des pions dans un nouveau récit. Il les appelle par leur prénom et les place dans un contexte contemporain. L’artiste se sert de masques en caoutchouc pour entrer dans la peau des trois grands maîtres et pour manipuler, reformuler ainsi leur histoire. Il crée ses propres versions des mythes attachés à Vincent, Pierre ou Cornelius, en se concentrant sur leurs « faiblesses » artistiques, leurs « échecs », leurs « obsessions ». Dans une autre œuvre, Paolo Chiasera examine les théories du philosophe allemand Martin Heidegger sur le temps et sur l’être, une étude qui a notamment débouché sur la vidéo Condensed Heidegger’s Hut (2009). Il a reconstruit avec du bois et du carton la hutte dans laquelle le philosophe a écrit en toute quiétude quelques-uns de ses ouvrages fondamentaux. La vidéo ressemble à un hommage... jusqu’au moment où der Hütte s’enflamme (de manière suggestive) et que les cendres sont utilisées pour créer une peinture monochrome et une canne. L’exposition au S.M.A.K. porte le titre Ain’t No Grave Gonna Hold My Body Down, un fragment d’un chant de gospel. Avec une claire référence à la Résurrection du Christ, Chiasera veut en premier lieu souligner un certain nombre d’éléments qui reviennent régulièrement dans son œuvre. La construction et la destruction, l’importance du mythe, le héros, mais surtout la création de restes physiques de prétendues valeurs perdues.