The illuminating light in the darkness

21.Juin.02
14.Sep.02
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Le poète et artiste Lubertus Jacobus Swaanswijk (Amsterdam, 1924-1994) a changé son nom en Lucebert, ce qui signifie: celui qui apporte la lumière. 

Lucebert est surtout connu comme géant des lettres néerlandaises. Il a été un des innovateurs les plus importants de la poésie néerlandaise dans la période de l’après-guerre. Outre poète, c’était aussi un artiste très polyvalent, peintre actif, graphiste, photographe et céramiste. Il a pris part à d’innombrables expositions à l’intérieur et à l’extérieur du pays, mais pourtant son œuvre plastique importante est beaucoup moins connue.

On le considère souvent comme un représentant de Cobra, le mouvement de l’après-guerre, bien que du point de vue historique il ne fasse qu’indirectement partie de ce groupe. Il a effectivement participé à l’exposition légendaire de Cobra dans le Stedelijk Museum d’Amsterdam (1949), mais en sa qualité de poète. Même si au début de sa carrière comme artiste plastique il a été influencé par un Appel et un Constant (surtout dans ses huiles où des êtres mythiques et des animaux humanoïdes sont spontanément peints dans des couleurs parfois vives et lumineuses, parfois étouffées), il a pris assez rapidement ses distances à l’égard du groupe Cobra et a suivi sa propre voie plastique. Encore dans cette première phase de son épanouissement, on voit clairement des références à l’œuvre de Picasso, au Surréalisme, et surtout à Dubuffet. Ce n’est qu’à partir de la fin des années cinquante (ou même du début des années soixante) que Lucebert se profile explicitement comme artiste plastique et développe son propre style mûr. L’énergie incessante, l’ardeur au travail et l’incoercible besoin de création sont des caractéristiques du style personnel de Lucebert. Chaque jour il commençait plusieurs dessins, peintures et gouaches et son oeuvre entière compte dès lors plusieurs milliers d’oeuvres dont un grand nombre n’a encore jamais été montré au public. Dans le cas de cet artiste on peut vraiment parler d’une symbiose de la production artistique et de sa vie : il a traduit son énergie dans une suite presque ininterrompue de créations. L’exposition au S.M.A.K. a été conçue comme une quête de l’essence de l’art de Lucebert. Pour percer celle-ci à jour, l’exposition a été construite sous forme de triptyque, avec comme préambule la confrontation de quelques peintures bien connues de Lucebert à l’œuvre de contemporains (appartenant à la collection du S.M.A.K.) comme Appel, Bacon et Saura, des artistes avec lesquels Lucebert avait un lien personnel. Cette confrontation enlève l’étiquette d’artiste Cobra à Lucebert. Dans le premier volet de l’exposition, l’accent est mis sur la ligne. La ligne constitue un des points de départ de l’exposition. Lors de la sélection pour cette partie de l’exposition, il a été opté sciemment pour des portraits et des ‘têtes’. Dans ces dessins, aquarelles ou oeuvres graphiques, Lucebert joue de façon magistrale avec l’histoire de l’art. Il réfère à des monnaies romaines, des peintures de la Renaissance et à l’univers des caricatures. Lucebert maniait non seulement les lignes avec aisance, il recherchait aussi la diversité dans le champ graphique, des concepts graphiques qu’il faisait grandir pour qu’ils deviennent des formes et des figures. Il aimait les délimitations linéaires extrêmes ; les contours de ses figures sont toujours marqués par des lignes noires et puissantes. A première vue, ses compositions chaotiques semblent l’expression d’un besoin de s’exprimer spontanément, mais lors d’une seconde analyse il est clair que la composition de ses oeuvres s’est effectuée consciemment, beaucoup plus qu’on ne le pense généralement. Les contours permettent en tout cas de le penser.

Dans le second volet de l’exposition, l’attention a été attirée sur son œuvre poético-politique plus hargneuse. Du point de vue du contenu, ces oeuvres sont souvent très crues : Lucebert représente un monde sans merci et qui ne cache pas son cynisme. Si la dimension politique n’est pas pamphlétaire, les renvois au régime de Franco en Espagne par exemple sont très clairs dans le polyptique Les Hérétiques (1981). Dans cette série de tableaux on peut découvrir des réminiscences de l’oeuvre de Francisco Goya, Gino Severini et même Francis Bacon. Cette salle se clôt sur l’œuvre connue La tyrannie de la liberté (1966), où nous remarquons le poète tourmenté au milieu d’un bois de créatures flottantes et tordues. Outre son traitement sensible des lignes, on ne peut pas oublier le Lucebert coloriste. Le troisième volet de l’exposition s’attache à la palette magistrale de Lucebert. Dans cette partie de l’exposition aussi on remarque comment Lucebert poursuit ses expériences avec plusieurs styles et plusieurs formes, avec comme but principal de donner forme à sa recherche intuitive au niveau du contenu. Lucebert a développé un style de peinture très spontané et expressionniste du point de vue figuratif que l’on peut comparer à « l’Art Brut » de Dubuffet. Sa peinture aussi est caractérisée par l’improvisation, l’utilisation de formes contre nature, de maladresses grossières et conscientes et l’intégration de taches et de traces. Au moyen de ces scissions, arbitraires à première vue, il a été essayé d’approcher le plus possible l’essence de l’art de Lucebert. Dans cette optique, la poésie ne peut évidemment pas faire défaut. Même si ses poèmes n’éclaircissent pas son œuvre plastique ou inversement, ce sont deux champs artistiques apparentés qui empruntent des voies similaires. Si nous jetons un regard en arrière, nous voyons comment l’art conceptuel aimait faire usage de la parole et du texte. C’est précisément la raison pour laquelle la confrontation avec la poésie de Lucebert semble s’imposer ici. Et puis il y a bien sûr encore la voix de l’artiste, qu’il utilisait de façon magistrale, comme sa plume et son pinceau, pour éclairer les ténèbres proverbiales …

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