La Robe des Choses

21.Juin.02
7.Sep.02
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Dans la littérature artistique, l’œuvre de l’Allemand Jürgen Partenheimer (°1947, Munich) est rangée traditionnellement parmi le Postminimalisme ou l’art conceptuel abstrait.

L’œuvre de Partenheimer peut sans doute être expliquée partiellement en la plaçant dans la tradition du minimalisme. Les sculptures sont sobres, simples, linéaires et simultanément poétiques et passionnantes. Les peintures, dessins, sculptures et installations peuvent aussi être cadrées sans problèmes au sein de l’art conceptuel. Elles sont effectivement le résultat d’un processus de pensée. La langue, la littérature et la philosophie jouent un grand rôle dans l’œuvre de Partenheimer.

Partenheimer lui-même préfère définir son œuvre par le terme peu usité de ‘réalisme métaphysique’. Ses oeuvres sont beaucoup plus qu’une représentation de la pensée. Pourtant il parvient, surtout dans ses dessins, à un langage riche mais simple et très poétique. Les masses de lignes chercheuses, les surfaces de couleur et les formes flottantes et géométriques dans son œuvre semblent plus souvent inspirées par des mythologies non-occidentales que par la réalité visible ici. Dans ses oeuvres souvent petites, Partenheimer dessine et peint d’une façon très claire, simple une réalité spirituelle et lyrique. Celle-ci fait souvent songer à la magie et aux symboles de l’œuvre de Paul Klee et de Joseph Beuys. Sa préférence pour le bleu, le blanc et les couleurs douces comme le jaune et le gris est remarquable. Comme point de départ conceptuel pour l’exposition au S.M.A.K., Partenheimer prend le texte La Rôbe des Choses, un texte du livre A la Rêveuse Matière de l’auteur français Francis Ponge. La réalité est une donnée voilée et intangible. La seule façon d’avoir prise sur elle est par la pensée. Cette pensée résulte d’une part dans des concepts par lesquels la réalité tangible peut être construite et désenclavée. D’autre part il y a toujours des éléments que la raison pure ne saurait expliquer et qui ne peuvent être rendus visibles que par l’art. L’œuvre de Partenheimer doit être vue comme le résultat d’une longue réflexion logique par laquelle l’artiste ne désire pas tant dévoiler une certaine réalité, mais veut clarifier les réflexions allant de pair avec « l’être » dans cette réalité. Les dogmes sont souvent percés par de nouveaux dogmes. C’est justement ce que Jürgen Partenheimer veut éviter. La sculpture n’est intéressante pour lui que dans la mesure où elle peut toujours réveiller de nouveaux flux de pensées. Le principe de l’association est important pendant la création de la sculpture mais aussi au moment où on la considère. La pensée devient une avec la sculpture, qui n’est jamais une donnée fixe. Un bel exemple en est Weltachse, un axe vertical, composé de plusieurs cubes bleus amoncelés. L’œuvre apparaît toujours sous une autre forme. Ainsi naît un champ de tension unique entre les sculptures et l’environnement. Au S.M.A.K. on voit une version de cette sculpture dans une vitrine. Tous les blocs sont entassés convenablement sous un globe de verre. Le spectateur est invité à créer la sculpture lui-même. Cet exemple montre que Partenheimer veut tout le temps faire appel à l’imagination et à la faculté de réflexion du spectateur, ce qui fait que son œuvre n’est jamais hermétiquement fermée. Cela par opposition au fait que les sculptures semblent à première vue souvent un ensemble fermé, indépendant. D’une façon très efficace, Partenheimer parvient toujours à créer un nouvel univers dans lequel les oeuvres d’art sont des signaux et des signes pouvant ouvrir des portes menant à une réalité surnaturelle, même spirituelle.

L’exposition au SMAK n’est donc pas seulement un aperçu d’oeuvres des dernières années. Au cours d’une des discussions qui ont précédé les expositions, il est devenu clair que Partenheimer considère chaque exposition comme une déclaration unique. Il ne s’oppose pas à l’espace du musée. Il transforme l’espace et le dépouille de toute forme de gratuité. Ainsi redéfinit-il le musée comme lieu dynamique et de mouvement, comme partie essentielle de l’espace public et du débat social. Justement par le fait que l’espace peut être dépouillé de toute identité dominante, l’artiste réussit à donner toujours de nouveaux sens aux mêmes espaces. Les livres aussi prennent une place très importante dans son œuvre. Cet intérêt ne découle pas seulement d’un grand amour pour la parole écrite, qui est tout comme la sculpture un rassemblement de signes, un voile qui cache tout autant qu’il révèle la réalité. Le livre est comme un lieu mental, un contexte unique et simultanément universel dans lequel la fantaisie et la réflexion ont leur place. Le livre renforce en outre le caractère individuel du pèlerinage auquel le lecteur est invité.

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