Avec l'exposition Leaving Traces, le S.M.A.K. choisit trois oeuvres clés du travail de l'artiste néerlandais Loek Grootjans.
On peut déjà affirmer une chose à propos de Loek Grootjans: c'est un penseur systémique qui prend sa pratique très au sérieux, dans le sens où il réussit à tout développer et finaliser jusque dans les moindres détails. Parler de l'oeuvre de Grootjans implique en partie de parler d'un cadre à l'intérieur duquel son travail trouve sa place. Il a créé ce cadre en 1998 avec la mise sur pied de la Foundation for the benefit of the aspiration and the understanding of context (formerly known as the institute for immediate knowledge, real perception and logic features according to the most contemporary monochrome paintings). Cette fondation est constituée de différentes sections, sous-sections et départements qui se subdivisent toujours plus au fil des ans. L'ensemble fonctionne comme une gigantesque construction autour de quelque chose qui est physiquement absent dans l'oeuvre de Loek Grootjans, mais qui, précisément en raison de cette absence, détermine et pénètre avec d'autant plus de force tout ce qu'il entreprend et crée. En 2008, une publication a été éditée en collaboration avec le musée, avec pour titre la 'Foundation'. Celle-ci passe systématiquement en revue tous les départements que Loek Grootjans a créés depuis 1998. Aujourd'hui, deux ans plus tard, on assiste au prolongement de cette collaboration avec l'exposition Leaving Traces. Cette exposition met l'accent sur trois oeuvres provenant de la Foundation. Il s'agit d'oeuvres qui occupent chacune une position clé au sein du travail de Grootjans. En les réunissant, l'exposition éclaire le visiteur sur la pratique de l'artiste qui – depuis la fin des années 80 – a connu bon nombre d'évolutions à travers son oeuvre. Il a commencé à la fin des années quatre-vingt comme peintre de tableaux purement monochromes. Ces peintures trouvent leur origine dans une expérience que Grootjans a menée en 1988. Il s'était enfermé pendant un mois dans un espace privé de lumière. En plus de cela, il s'était bandé les yeux afin d'être sûr de ne rien voir. Peu à peu, l'obscurité, le vide, a commencé à céder la place à des taches brunes. Lorsqu'il a finalement quitté la pièce et qu'il a ôté le bandeau de ses yeux, il a été envahi par une vive couleur verte. Cette expérience de la couleur a été terriblement forte, au point que l'artiste s'est exclusivement consacré, à partir de ce moment, aux couleurs brunes et vertes comme point de départ pour ses peintures. Tout à fait conscient de sa position en tant qu'artiste peintre monochrome et abstrait par rapport à ses grands prédécesseurs tels que Mondriaan, Malevich, Newman, Reinhardt, Klein, etc., il s'est dévoué très sérieusement et sans compromis à cette tâche, en commençant à utiliser de la peinture dans une certaine quantité, quelque chose que Grootjans a toujours défini au préalable avec précision. Chaque goutte, tache ou éclaboussure était recyclée d'une manière précise. Ce système impliquait un ‘arrêt différé’ dans l'acte de peindre: une fois que toute la peinture était sur la toile, l'artiste devait, par la force des choses, arrêter de peindre.
En 1998, Loek Grootjans a vidé son atelier et enlevé tous les restes de peinture, jusqu'à la toute dernière petite tache sur le sol. Il a rassemblé ces ‘dernières’ écailles – l'ADN de sa pratique et de son système de peinture durant des années – dans une petite boîte de Pétri et l'a intitulée The Final Remains of a contemporary monochrome Painter... Ce serra aussi par la même occasion la première oeuvre à être présentée au S.M.A.K. Les textes qui accompagnent les boîtes sont écrits par l'artist lui-même, en collaboration avec le philosophe H. van Boxtel. En combinaison avec cette oeuvre, l'exposition présentera The Remembering Department.Nous voyons un entrepôt avec des étagères fixées au mur. Les étagères sont vides et recouvertes d'une épaisse couche de poussière, avec ici et là quelques endroits épargnés par la poussière. Sur ces étagères se trouvent des objets que Grootjans a utilisés depuis le début dans différents projets de 'Foundation'. La poussière provient de l'atelier de l'artiste, lequel l'a soigneusement recueillie au fil des ans.
Une troisième oeuvre clé est The Good Care Department. Lors d'une visite à l'Opéra Paese (Rome) en 2001, Grootjans a découvert dans le quartier du centre d'art des affiches électorales sur lesquelles la tête transformée par la chirurgie esthétique du magnat de la télévision Silvio Berlusconi est couronnée avec le slogan:‘Who takes good care of himself, takes good care of those who choose him.’ Inspiré par ces affiches, Grootjans a réalisé une peinture murale, dans laquelle il confronte le slogan d'une manière schématique avec des textes qui trouvent leur origine dans le livre de Grootjans Visioen van de overkant (2002). Le texte est composé d'un grand nombre de ‘constatations’ et chaque constatation laisse à son tour entrevoir un sous-ensemble de ce qui préoccupe entre autres les gens dans le domaine du bonheur, de la peur, de l'horreur, des désirs, de l'enchantement et des grivoiseries. Il en ressort une série interminable de vérités premières, d'inepties, de splendeurs et d'impudences qui sont mises en rapport les unes avec les autres. 'Visioen van de overkant' renferme en d'autres termes toutes les définitions possibles de ‘l'autre’. La fresque de l'Opéra Paese a été depuis lors représentée dans des versions et des contextes différents et dans des langues très variées. Au S.M.A.K., Grootjans ajoute encore une édition au The Good Care Departement. Leaving Traces jette un regard sur trois installations importantes de Loek Grootjans. Elles délimitent chacune un chemin emprunté par l'artiste et proposent ensemble une vision de sa pratique artistique.
A l'occasion de cette exposition, une des oeuvres sera par la suite reprise dans la collection du musée. En collaboration avec Mondriaanstichting. Catalogus: Loek Grootjans - Foundation for the benefit of the aspiration and the understanding of context (formerly known as the institute for immediate knowledge, real perception and logic features according to the most contemporary monochrome paintings). Date: 2008 Editeur: Museum Bommel van Dam, S.M.A.K., Opera P-Pers Publishers En vente dans le musée Plus d'info: www.loekgrootjans.com