Self Self

5.Nov.03
10.Jan.04
Tahon website

Cela fait longtemps que Johan Tahon n’est plus un inconnu pour ce musée. Il a en effet créé de nouvelles statues pour diverses expositions organisées par le S.M.A.K. 

De plus, les quatre œuvres de Tahon qui sont intégrées à la collection témoignent elles aussi des bons rapports qui existent depuis un long moment entre le musée et l’artiste. Pour l’espace impressionnant mais difficile consacré à « Kunst Nu », Johan Tahon a délibérément opté pour une présentation tout en retenue à laquelle il a donné le nom de « Self Self ».

Jusqu’à présent, on associait surtout l’œuvre de Johan Tahon à de lourdes statues en plâtre figurant des êtres anthropomorphes peu naturels. Les statues semblaient être nées d’une âme en recherche et pour le moins inquiète. L’emploi spécifique du matériau conférait à ces œuvres une éloquence dramatique supplémentaire. L’œuvre de Tahon semble être arrivée à un point de basculement. Ces dernières années, l’artiste a développé un style très personnel et reconnaissable ; mais depuis peu, il s’est donné la liberté d’expérimenter avec de nouveaux matériaux. Même si le point de départ de son œuvre reste plus ou moins identique, ces nouveaux matériaux apportent néanmoins un regard neuf sur son œuvre sculpturale. Dans le cadre d’une exposition qui s’est déroulée l’été dernier à Ostende, son port d’attache, Tahon avait déjà présenté des statues en polyester. Pour l’exposition SELF SELF, il montre maintenant pour la première fois des statues qui ne sont plus coulées en plâtre mais entièrement en aluminium. Le choix spécifique de ce matériau rend ses statues de plus en plus éphémères. Alors que ses anciennes statues, aussi petites qu’elles fussent parfois, semblaient souvent en proie à une lourdeur matérielle, et par là même à une mélancolie extrême, Johan Tahon atteint, avec ces nouvelles œuvres, un parfait équilibre entre lourdeur et légèreté. L’artiste a délibérément laissé dans ses sculptures des clous et des chevilles, restes récalcitrants du processus de moulage, tels des barbelures de sa recherche d’un miroir matériel de l’âme. Il n’a pas non plus scié les canaux de coulée ni les structures techniques des statues. D’une part, les sculptures en deviennent encore moins naturelles – la statue suspendue évoque une figure qui se confond de plus en plus avec un réseau de branchages – mais d’autre part,

Tahon montre justement qu’il est ici question d’une recherche, d’un processus qui n’est pas terminé et ne le sera probablement jamais. Peut-être touche-t-il là à l’essence de l’art. En partant de son imagination et de ses expériences émotionnelles, l’artiste crée une image à laquelle il se doit de donner forme. L’artiste doit essayer de rendre vivante une matière sans vie, de trouver la bonne forme, de chercher les proportions. L’œuvre d’art doit devenir le support de son imagination, doit devenir une image. En ne cachant rien de la bataille technique avec le matériau, il montre au visiteur qu’il ne s’agit pas ici de la réalité, mais d’une illusion de la réalité, d’un univers onirique unique en son genre. Cet aspect illusoire est ici indubitablement renforcé par l’éclat de l’aluminium. A première vue, les images semblent peut-être plus distantes, plus froides, plus glaciales et encore plus menaçantes. Toutefois, le danger ne réside pas vraiment dans la statue elle-même. Vers le milieu de la salle, une plaque bombée est posée sur le sol. La surface est rugueuse, pleine de bosses. Au dessus de la plaque, on voit aussi un réseau de lignes plus ou moins grosses. Mais au milieu de la surface bombée, un petit morceau d’aluminium a été poli. De toutes les œuvres de Tahon, celle-ci est l’une des plus abstraites : la figure humaine y semble entièrement absente. Cependant, c’est justement via le reflet du spectateur, aussi méconnaissable qu’il soit, qui apparaît dans la partie astiquée que la figure humaine resurgit sans cesse de manière fugace. En ce sens, les statues de Johan Tahon ne peuvent être interprétées exclusivement comme des images de l’âme matérialisées, mais plutôt comme des étapes sur cette voie. Le spectateur se retrouve finalement seul en compagnie d’êtres exaltés et dotés d’une âme, qui, dans un certain sens, constituent le reflet très réel d’une réalité insaisissable, dynamique et en constante évolution.

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