Au S.M.A.K., Koen Theys (°1963, Uccle) présente quelques-unes de ses vidéos récentes.
Dans l’œuvre de Theys figurent en tant qu’acteurs des visages connus du vingtième siècle comme Hitler, Picasso ou Brad Pitt. Les personnages jouant un rôle dans les vidéos de Theys sont très variés mais possèdent tous un sens comparable de la théâtralité. Ils communiquent au moyen d’une chorégraphie parfaitement coordonnée à destination d’un public international. Tous ses personnages ont pour point commun d’être assimilés à une image, ils sont coupés de leur personnalité sous-jacente et réduits au rang d’icônes. Ces figures, dont l’opportunisme a compris les possibilités de la technologie de l’image du 20e siècle, ont créé leur propre personnage, en se servant d’expressions du visage ou de mouvements. L’image de Picasso avec laquelle on l’identifie le plus est celle de l’artiste à moitié chauve qui peint avec concentration. Cette image est devenue une convention reçue. Koen Theys dévoile de manière absurde la théâtralité sur laquelle est fondée cette convention. Au moyen de la technique digitale du morphing, il ajoute un mouvement aux poses théâtrales de ses acteurs. Le morphing est une manipulation qui permet à une image immobile de se fondre progressivement dans une autre. Par le biais de cette transition digitale, l’ordinateur génère un mouvement qui n’a jamais "vraiment" eu lieu. L’ "utilisation abusive" de la technologie afin d’ajouter une stylisation et une signification personnelles est une méthode que l’artiste expérimente depuis un certain temps déjà. Mais c’est surtout dans les projets autour d’Hitler ou de Picasso que cette méthode permet de formuler une critique à l’encontre de la théâtralité des mouvements des célébrités politiques ou artistiques. Car c’est précisément au moyen de ce mouvement artificiel que Theys tranche le dernier lien qui existe entre la personne d’Adolf Hitler ou de Pablo Picasso et l’icône qu’ils ont créée d’eux-mêmes. Sur ce point, les vidéos deviennent une recherche de la version contemporaine de l’iconographie religieuse classique. Tout comme les prophètes, les évangélistes ou les saints tiraient leur signification des objets/émotions connus et figés qui figuraient sur leurs portraits, les figures de Theys tirent leur signification d’un mouvement canonisé. Et tout comme celle des saints classiques, leur vies sont réduites à ces quelques éléments, qui leur permettent de s’inscrire dans l’histoire en tant que conventions.
Dans ses vidéos les plus récentes, le thème de l’iconographie contemporaine est également central. Quatre figures de stars d’Hollywood regardent fixement devant elles. Leurs visages affichent une expression particulièrement tendue (la colère, l’angoisse, la méfiance,...). A première vue, les visages semblent statiques, mais il s’avère ensuite qu’ils s’agrandissent lentement et semblent se rapprocher. De plus, le visage de, par exemple, Christopher Walken se transforme progressivement en celui d’un autre acteur, avec une autre expression. Cette transition est si lente que la plupart du temps, on voit un visage composite, déformé, à moitié humain. Lorsque l’une des têtes devient trop grande, elle s’estompe lentement sur le fond noir et un autre visage apparaît ailleurs. Ainsi, les visages glissent infiniment l’un dans l’autre à partir du fond sombre de l’image. Comme dans les autres vidéos de Theys, les protagonistes sont représentés en tant qu’icônes plutôt qu’en tant que personnes. Cette fois, l’iconisation ne se passe pas sur base de mouvements, mais sur base d’expressions des visages. Dans le cas présent, ce sont les expressions des visages des personnages qui se transforment en icônes reconnaissables et reproductibles. Cette vidéo n’est pas une satire des stars d’Hollywood présentées, mais plutôt une recherche de la relation entre icône stylisée et expression. Là où les gesticulations d’Hitler ou la figure de Picasso visaient encore un public virtuel, Theys adresse ces images-ci directement à tous ceux qui les regardent. La vidéo a une force brute de persuasion, renforcée par les émotions vides – éveillées digitalement – qu’expriment les visages.