L’œuvre de Pélagie Gbaguidi (°1965, Dakar) se concentre sur l’histoire coloniale et postcoloniale. L’artiste se décrit comme un griot d’aujourd’hui. Le terme renvoie traditionnellement à un conteur d’Afrique de l’Ouest qui est le gardien des histoires et des traditions culturelles orales. Elle se considère elle-même comme une médiatrice entre mémoire individuelle et passé des ancêtres. Les œuvres de Gbaguidi font souvent allusion à des récits méconnus qui tentent de défaire l’historiographie soi-disant officielle de ses simplifications, archétypes, voire mensonges. L’artiste se sert de divers médias comme la peinture, le dessin, la performance et l’installation.
Ces cinq dessins font partie d’une série qui porte le titre éponyme de Care (2020). Toutes les œuvres de la série ont été réalisées sur du papier provenant des archives du Musée royal d’Afrique centrale de Tervuren. Ce sont plus précisément des pages d’une encyclopédie consacrée à la flore de la province congolaise du Katanga, un livre dont le musée a voulu se débarrasser. Gbaguidi recontextualise ces documents d’archives en apparence inutiles, en les employant comme support de dessins spontanés, expressifs et colorés, au pastel sec et à la mine de plomb. Avec Care, Gbaguidi actualise le débat sur le passé colonial belge et dévoile subtilement le rapport de force inégal dont il s’accompagnait. L’encyclopédie montre par exemple que la recherche botanique menée à l’époque au Congo visait à accroître les connaissances des Belges et pas du tout celles de la population congolaise.