Jannis Kounellis a été un des chefs de file de l’arte povera*. En 1956, il quitte la Grèce pour venir faire des études d’art à Rome. Dans ses tableaux, il prend de plus en plus ses distances par rapport à la peinture traditionnelle. Renonçant à représenter des formes naturelles, il peint entre autres des lettres, des numéros et des symboles mathématiques. Il emprunte parfois des mots à des panneaux de signalisation ou des panneaux publicitaires du paysage urbain, intégrant ainsi directement la vie quotidienne dans son œuvre. À partir de 1963, il se met à travailler avec des sacs de jute et de la terre. En peu de temps, Kounellis se fait connaître dans toute l’Italie.
Après quelques années d’arrêt de la création et de réflexion sur soi, il combine des toiles de peintre avec de petites cages dans lesquelles se trouvent des oiseaux vivants. En intégrant les animaux dans son œuvre, Kounellis fait coïncider l’art et la vie. Il se consacre ensuite de plus en plus à la fusion de la peinture avec la sculpture et la performance. À la fin des années 60, l’artiste utilise le feu qui, conformément aux changements sociaux et culturels de l’époque, peut être associé à la destruction et à la transformation. De nouvelles séries voient le jour, axées notamment sur le feu, les traces de fumée et la musique.
Le projet le plus célèbre de Kounellis date de 1969, année où il laisse douze chevaux trotter dans une galerie vide à Rome. Cette action marque un jalon dans l’histoire de l’arte povera. Dans les années 70, Kounellis se tourne principalement vers la chorégraphie et le théâtre, où la musique joue un rôle important et où son penchant pour le sensible l’emporte. À partir du milieu des années 80, l’artiste se concentre à nouveau sur des installations et des sculptures faites de matériaux « étrangers à l’art ».
D’après Jannis Kounellis, l’artiste a pour mission d’interpréter et de commenter une culture. Il émane donc de ses œuvres une forte conscience historique des valeurs, traditions et idéaux de la culture occidentale. En combinant des matières « pauvres », il a créé un langage plastique symbolique et poétique, dont nous devons retrouver nous-mêmes le sens. Le passé de l’artiste est néanmoins essentiel pour comprendre son œuvre. Il a en effet constamment mélangé des éléments de l’histoire de la culture classique et des souvenirs personnels de sa jeunesse en Grèce avec une réflexion critique sur la société de son temps.
* L’arte povera est un mouvement qui est apparu en Italie au milieu des années 60 et dont faisaient également partie d’autres artistes célèbres comme Luciano Fabro, Giulio Paolini et Mario Merz. En 1967, l’influent critique italien Germano Celant utilise pour la première fois le terme « arte povera » (littéralement « art pauvre ») pour désigner un changement de mentalité dans l’art. Les artistes travaillent avec des matériaux naturels, périssables, de récupération souvent (comme des cailloux et des branches) et s’opposent à l’emploi de matériaux précieux (comme l’huile sur toile, le bronze et le marbre). L’arte povera veut déstabiliser le gouvernement et le marché de l’art. En utilisant des matières « pauvres » et en mettant l’accent sur le corps humain, le mouvement présente souvent le caractère capricieux de la vie elle-même. L’apogée de l’arte povera se situe entre 1967 et 1972, mais le mouvement continue d’exercer une forte influence dans les décennies suivantes.