Fille d’une mère célibataire polonaise, Zoe Leonard grandit à New York. À seize ans, elle arrête l’école pour se consacrer à la photographie. Depuis lors, elle développe une œuvre cohérente composée surtout de séries de photos, de sculptures et d’installations in situ. Non contente d’être une artiste, Leonard est aussi une féministe influente et une activiste politique. Combinant des images politiquement chargées, une affinité formelle avec des prédécesseurs connus et une approche analogique persistante, Leonard occupe à ce jour une position importante dans la photographique d’art actuelle.
Leonard compare la photographie à la chasse ou encore à l’art de collectionner. Chaque image voit instinctivement le jour au cours d’une de ses nombreuses errances. En choisissant de ne pas cacher les petits trous, les poussières et les imperfections qui apparaissent pendant le développement, l’artiste souligne son intérêt pour la genèse physique de ses photos. Elle les décrit d’ailleurs comme des « objets en papier ». Sa technique est plutôt traditionnelle par rapport à celle de ses contemporains.
Dans les années 80 et 90, Leonard prend surtout des photos de tissus urbains depuis des avions. Le hublot ou les nuages cachent souvent en partie le paysage. L’accent est mis sur des motifs banals tels que les rues ou les voies ferrées. À cette même époque, Leonard s’engage auprès d’organisations internationales d’activistes qui combattent le sexisme et la stigmatisation des malades du SIDA et des non-hétérosexuels. Cet engagement politique a inévitablement des répercussions sur son œuvre. Elle s’intéresse beaucoup à la façon dont les femmes sont présentées, aujourd’hui comme hier, dans une société patriarcale, et réalise notamment une série de photos à la fois ironiques et provocantes en dessous des jupes de top-models.
Après le succès de sa participation à Documenta IX en 1992, Leonard se retire deux ans en Alaska, où elle photographie à nouveau des paysages. De retour à New York, elle continue de se concentrer sur la nature et sa relation avec l’être humain. De 1998 à 2009, elle réalise « Analogue », quelque 400 photos analogiques dans lesquelles elle documente la disparition des petits commerces à New York et à Chicago. Son esthétique renvoie à celle des célèbres photographes Eugène Atget (1857-1927) et Walker Evans (1903-‘75).
Après avoir arrêté un moment la photographie, Leonard décide en 2010 de photographier le soleil. Sur les premières photos de cette série toujours en cours, on voit encore des éléments architecturaux qui donnent de la perspective. Les photos suivantes ne montrent plus que le soleil. Chaque photo porte clairement les traces du processus photographique – griffures, grains et autres imperfections – qui sont renforcées par la fixation directe des photos sur le mur. En se concentrant sur le soleil, Leonard étudie la frontière entre figuration et abstraction. Ce faisant, elle n’inverse pas seulement les règles de la photographie, mais se focalise aussi sur ce qui est au cœur du média : la source de toute lumière.