Cette exposition associe deux expositions itinérantes de l'artiste belge Michaël Borremans (°1963), l'une présentant des dessins, l'autre des peintures.
Michaël Borremans: dessins Michaël Borremans (°1963, Grammont) est minutieux et prudent quand il s’agit de ses dessins. Minutieux parce qu’il conçoit des dessins pleins de sous-entendus. Mesuré parce qu’il veille à ce que personne n’y découvre un objectif supérieur. Michaël Borremans a la même aversion pour les histoires qui se cacheraient derrière les illustrations que pour « la déformation de la réalité avec laquelle les média nous agressent quotidiennement » … Michaël Borremans réfléchit régulièrement dans ses dessins à la culture de masse d’aujourd’hui. Dans ses petits dessins, il confronte le spectateur aux « illusions historiques » qui sont à la base de la société actuelle et il nous montre le mensonge et l’indifférence du monde qui nous entoure. Dans le travail de Borremans, on retrouve les illusions qu’il constate autour de lui, des illusions sur les choix politiques, la liberté personnelle et la capacité de pouvoir agir en tant qu’individu sur ce monde plein de complexité. Pour communiquer aussi clairement que possible ces illusions au spectateur, M. Borremans confère à ses dessins une esthétique séduisante et un caractère provocant. Des références explicites à l’histoire de l’art et à la tradition culturelle jouent ici un rôle très important. Il laisse ainsi entrer en ligne de compte différents genres dans ses dessins : le portrait, le buste, le masque mortuaire, le monument ou le mémorial. En outre, Borremans fait aussi référence à des lieux où les œuvres d’art sont constamment exposées, comme les cabinets, les musées ou les espaces publics.
Enfin, il s’intéresse aussi aux différentes possibilités de mise en scène de l’art qui ont été développées au cours de l’histoire de l’art récente : le diorama du 19e siècle, la photographie avant l’aire du numérique ou les grandes projections vidéo comme on les retrouve aujourd’hui. De plus, la question de la réalité et des illusions apparaît en filigrane au travers des dessins. Michaël Borremans revient toujours sur la distance entre ce que nous appelons la réalité et la fantaisie ou l’imagination artistique. On le remarque clairement car il représente régulièrement les spectateurs dans ses dessins comme des figurines sur des socles, comme des représentants presque artificiels des véritables observateurs de l’œuvre d’art. Cette opposition entre la réalité et la fantaisie exprime aussi la perception propre à Michaël Borremans de son œuvre. Il la considère, en effet, comme une sorte de proposition d’intervention ou d’installation dans l’espace public. L’exécution de ces études préliminaires dessinées n’atteindra toutefois jamais la « véritable » réalité. Vu que Borremans qualifie une intervention publique « d’acte d’agression », il « limitera » plutôt l’exécution dans une maquette. En jouant ainsi avec cette idée, Borremans effleure avec beaucoup de conséquence la barrière très mince entre la réalité et la fantaisie qui donne tant de personnalité à son travail. Outre ces aspects de l’art du dessin chez Michaël Borremans, le temps et l’histoire eux-mêmes jouent un rôle crucial. Il utilise régulièrement des sources visuelles plus anciennes comme point de départ de ses dessins. Il s’agit surtout de photographies du 19e siècle, de revues et de livres d’images des années 30 à 50, qu’il retrouve dans leur état d’origine ou sur Internet. Il montre ainsi dans ses dessins la mode de l’époque en matière de vêtements, de coiffures. Et cela donne à son travail un caractère vraiment rétrospectif. En même temps, le caractère ancien et l’esthétique de ces sources visuelles semblent aussi se transposer sur le dessin grâce à l’utilisation des couleurs. Borremans utilise des images qui sont disponibles en masse, y recherche ses propres images et parvient à établir un lien entre la notion de passé historique, la tradition culturelle et les problèmes d’aujourd’hui. D’un point de vue forme et stylistique, les dessins de M. Borremans trahissent une nette influence de ses études graphiques et en photographie antérieures : ils évoluent lentement. Chaque dessin est réalisé soigneusement. L’artiste retravaille sans cesse la surface proprement dite pour la corriger encore, couche après couche, et l’approfondir. Lors de ce processus très prudent, Borremans dévoile ses affinités avec la tradition nordique de la peinture miniature et avec les dessins des maîtres anciens. Le fondement du contenu pour ces choix formels montre aussi l’enracinement de Michaël Borremans dans la tradition de la peinture belge. Tout comme les œuvres de compatriotes, tels James Ensor, Félicien Rops, René Magritte et Thierry De Cordier, la main de M. Borremans respire l’impulsion surréaliste, soucieuse d’éviter les associations logiques. En ce qui concerne le matériau et la forme sous laquelle ils apparaissent, les dessins de Michaël Borremans sont très suggestifs et intuitifs. Presque tous les types de matériaux sont utilisés par l’artiste comme support potentiel de son travail. Il dessine aussi bien sur des enveloppes déchirées, avec le timbre toujours présent, que sur des couvertures de livres déchirées, sur l’arrière de vieilles photographies, sur des feuilles de calendrier, sur des restes de passe-partout, etc. Borremans insiste ici sur ses affinités avec l’histoire. Chaque support a sa propre histoire et en révèle de puissants signes extérieurs qui sont exploitées par l’artiste dans son dessin. Borremans veut montrer, en choisissant de tels types de matériaux, que les œuvres ne naissent pas de nulle part et qu’elles ne peuvent pas être purement et simplement comprises à partir du contexte actuel du dessin. Borremans utilise surtout comme matériel de dessin les crayons, les aquarelles et l’encre de Chine blanche, avec une exception pour la gouache et la peinture à l’huile (qu’il patine toujours). Seul un petit nombre de dessins sont simplement soulignés au crayon. Les nuances de couleur typiques de Borremans, les teintes brunes et grises, s’adaptent à la patine « à l’ancienne », qui est déjà présente dans le matériau utilisé comme support. Cette présence « du passé » est encore accentuée par la présentation dans le musée choisie par Borremans : des cadres discrets en bois, parfois bordés de passe-partout blancs avec une coupe diagonale parfaite.
L’initiative de cette exposition axée sur les dessins de Michaël Borremans vient du Kupferstichkabinett de Bâle ; elle a déjà pu être admirée au Musée des Beaux-Arts de Bâle et au Museum für Gegenwartskunst. Ici, au SMAK, cette exposition est complétée par une sélection de toiles de Michaël Borremans visibles au rez-de-chaussée. L’exposition de dessins partira en automne 2005 au Cleveland Museum of Art à Cleveland, Ohio (États-Unis). A l’occasion de cette exposition, un catalogue a été réalisé avec des textes de Anita Haldemann, Peter Doroshenko et Jeffrey D. Grove. Le livre et l’exposition sont des co-productions du Musée des Beaux-Arts de Bâle, du Museum für Gegenwartskunst, du Cleveland Museum of Art à Cleveland, Ohio (États-Unis) et du SMAK à Gand, Belgique.