Par son oeuvre, Willem Oorebeek propose une réflexion sur le statut de l'image et sur l'impact de la reproduction sur une image ou un message.
Oorebeek choisit, avec une très grande précision, des images issues de la multitude des stimuli visuels qui nous entourent. Son choix porte sur des représentations, des fragments de texte ou des images transformées qui détiennent une part d'autonomie, sans être trop reconnaissables ou séduisantes. Bien que les images n'obtiennent généralement de signification que dans un contexte déterminé ou lorsqu'elles sont associées à des informations spécifiques, Oorebeek octroie un caractère indépendant aux images qu'il choisit. Sa sélection dans la multitude de stimuli visuels qui nous entourent implique aussi une évaluation de valeur qu'il confirme et mine en même temps par sa méthode de travail.
En traitant des images, en les combinant ou en les transformant en un autre support, il nous pousse à les regarder sous un autre angle et il leur associe de nouvelles significations. Dans les BLACKOUTs auxquels Oorebeek a travaillé ces dernières années, il surimprime des images publicitaires, des couvertures de pages de journaux et de périodiques existants avec une couche d'encre noire. La couche d'encre noire fait en sorte que l'image n'est plus visible sur la tache noire, si ce n'est selon un angle spécifique. Il existe une tension entre l'attention particulière qui est accordée aux images par les masses média et l'extraction d'images à la visibilité. C'est en ce sens que le processus du BLACKOUT est paradoxal : il témoigne d'un geste d'affection ou d'appréciation de ce qui vient d'être supprimé. En rendant "l'image banale" difficilement visible, il en appelle à la fois à ce qui est oublié et au souvenir, à l'effacement ou à l'élimination de l'image et à la vision chimérique qui subsiste. En-dehors de notre regard de consommateur moyen, nous analysons l'image dans la case noire avec une plus grande intensité. Les diverses oeuvres de ‘bigger, higher, leader!’ met un certain accent sur la formation et l'utilisation des images nues.
L'artiste examine comment le texte renforce, déforce ou accorde une nouvelle couche de signification aux images. Les superpositions de plusieurs couvertures du magazine ‘ELLE’ montrent les règles publicitaires qui sont imposées à la 'couverture unique" afin de la rendre reconnaissable. ‘bigger, higher, leader!’ fait référence à la pression omniprésente vers le plus grand et le mieux. Le titre d'Oorebeek n'est pas un piège du surpassement correct, il fait référence à l'absurdité générale de la grandeur et à l'adoration d'icônes ou de leaders tels que les pop-star, les leaders communistes ou les stars d'Hollywood. Napoléon est présent à côté d'autres nouveaux leaders de la société actuelle telle qu'Alan Greenspan ou Michael Jackson. Toutes ces images ne sont pas extraites d'un journal en tant qu'extrait ou page de journal. Oorebeek les applique à un autre support. Le portrait bien connu de Greenspan du Wall Street Journal a été agrandi pour en faire une tapisserie traditionnelle Gobelin. Greenspan, figure emblématique de notre économie occidentale, acquiert ainsi un caractère autonome conforme aux leaders historiques. Nous pouvons aussi admirer une série de portraits BLACKOUTs de leaders communistes sur des pamphlets tels que ceux qui sont présentés pendant les manifestations. Michael Jackson, qui s'est exilé en Orient, a été transformé en litho; les taches qui apparaissent sur la surface imprimée ressemble à des flocons de neige sur l'image de l'Orient. Dans plusieurs de ses oeuvres, Oorebeek part de reproductions d'oeuvres d'art pour jouer sur la signification de la présentation. Il y a par exemple une reproduction surimprimée d'une peinture de Napoléon. Une série de BLACKOUTs est imprimée sur diverses reproductions de la peinture 'La Tour de Babel' de Breughel. L'introduction d'autres intensités de couleur dans l'impression initiale donne une lourde surimpression dans une autre visibilité.
Deux écrans visuels sont à la fois autonomes et utilisés comme surface de projection d'oeuvres vidéo d'autres artistes. Sur un écran composé de BLACKOUTs de cartes postales d'Anton Van Dijck (dans le cadre de l'année Van Dijck en 1999) une vidéo de Joëlle Tuerlincx est présentée, dans laquelle des peintres veulent peindre en blanc une salle de musée rouge. L'association du blanc et du rouge, qui forme des taches sur les murs dans la projection, rend le BLACKOUT de la surface sous-jacente partiellement visible. D'autres écrans BLACKOUT sont construits à partir de reproductions imprimées en noir, de différentes façons, d'une édition de Marcel Broodthaers. Une oeuvre vidéo de Christoph Fink y est présentée, compilation de fragments télévisuels de présentateurs météo qui donnent les prévisions météorologiques. Un autre écran se compose de diverses couvertures de P-Magazine qui illustrent l'uniformité des diverses couvertures de magazines. Dans ses différentes ouvres de la série ‘bigger, higher, leader!’, l'artiste présente des manières et des techniques dont nous traitons les images et les reproductions. La pollution visuelle qui nous entoure et l'utilisation contemporaine des images - à l'aide de Photoshop, manipulations, coloration, reproduction, répétition, etc. - nous permettent de constater la perte de l'image autonome. Oorebeek illustre la laideur et la difformité qui résulte de nos opérations et de nos observations. Grâce à ses impressions en noir, à ses superpositions ou transformations d'images, il expose certaines impulsions ou stratégies et interroge la faisabilité des images. En extrayant les images de leur contexte et en les isolant, il les rend floues et illisibles. Paradoxalement, cela contribue précisément à en augmenter la clarté et nous oblige à les regarder avec plus de réflexion au lieu de simplement passer d'une image à l'autre. À l'occasion de l'exposition, un ouvrage ‘bigger, higher, leader!’ sera publié, avec des contributions de textes d'Eva Meyer et Keren Cytter, diffusé par le MER, en collaboration avec le S.M.A.K.