Luc Tuymans est un représentant éminent de la ‘peinture’ contemporaine, un des artistes-clés dans le contexte du ‘boom’ récent de la peinture.
Son oeuvre est à la base de la ré-introduction de ce médium et a donné un tournant décisif à l’évolution récente de la peinture. Tuymans nie la possibilité d’une production originale. Tout existe déjà, voilà une de ses devises, et la majorité de ses peintures naissent donc d’une image existante. Contrairement aux théories modernistes, Tuymans souligne l’idée que le sens est plus important que l’image. Dans cette optique il a abordé ces dernières années plusieurs thèmes ‘chargés’. Cela va de sujets relativement actuels comme les horreurs de la Seconde Guerre mondiale à des sujets historiques remontant à un passé lointain. Il s’agit toujours de la traduction d’un bout de réalité en une image sur toile. A la fin des années quatre-vingts il cherchait une manière de mettre l’horreur de l’holocauste en image au moyen de ‘la perte de mémoire et du vide’.
Dans une autre série il examine l’histoire culturelle flamande au moyen d’icônes connues, pour rejoindre dans une série récente de 1999 une tradition séculaire en peinture, notamment la représentation des vicissitudes du Christ, s’inspirant du ‘Jeu de la Passion’ présenté encore aujourd’hui à Oberammergau (Allemagne). Pour la 49ième Biennale, Luc Tuymans a développé un concept d’exposition dans laquelle une nouvelle série d’oeuvres seront combinées à des ensembles plus petits de peintures existantes qui seront disposées comme un genre de ‘halo’ autour du groupe central. La nouvelle série ‘MWANA KITOKO - Beautiful White Man’ réfère à la problématique coloniale et plus particulièrement à la situation au Congo Belge. La thématique que Tuymans désire aborder ici est revenue à l’avant-plan les derniers temps, entre autres dans quelques publications controversées. Par ailleurs, une commission a été instaurée récemment afin de retracer l’implication de la Belgique dans le meurtre du fondateur du Congo National Movement, Patrice Lumumba. Dans le cadre de la Biennale, chaque pays, chaque nation est censée se présenter au niveau de l’art plastique. Pourtant, des questions comme le chauvinisme et la fierté sont présents de façon sous-jacente. Tuymans estime qu’il est important de montrer dans ce cadre quelques oeuvres qui réfèrent à l’histoire nationale, et précisément au passé colonial de la Belgique. Dans son œuvre Tuymans ne s’engage pas directement dans les thèmes sociopolitiques. Il tente plutôt de répertorier de façon indirecte la création d’images allant de pair avec la politique d’expansion coloniale. Ce cycle d’oeuvres n’a pas pour but d’évoquer un récit linéaire et cohérent, mais d’offrir au moyen de l’évocation d’une certaine ‘atmosphère’ quelques parcours de la pensée. Simultanément ces peintures signalent une autre tendance, étroitement liée à certains phénomènes tels que la mondialisation. Plusieurs expositions internationales font une tentative pour intégrer dans le circuit occidental des artistes ‘venus d’ailleurs’, surtout de pays du Tiers Monde, et pour poursuivre ainsi l’ouverture de l’univers des arts plastiques. De telles initiatives pourraient aboutir facilement à une nouvelle forme d’impérialisme culturel, le danger étant que l’œuvre soit sortie de son contexte et de son environnement, en tant que ‘produit’ d’une ‘altérité’, et court ainsi le risque de ne pas être considérée comme équivalente. ‘Mwana Kitoko’ veut offrir sous cet aspect une certaine balance en présentant une exposition qui se limite d’une part très spécifiquement à un élément de l’histoire nationale, mais qui d’un point de vue international a pourtant des conséquences jusqu'à aujourd’hui.