Un spectateur curieux du quotidien. Raum und Zeit présente une grande exposition de l’œuvre du sculpteur allemand Michael Sailstorfer (°1979).
Bien que Sailstorfer jouisse d’une renommée internationale, ses œuvres n’ont été que rarement exposées en Belgique. S.M.A.K. entend y remédier: l’exposition tente à travers une vingtaine d’œuvres de dresser un tableau nuancé de la jeune œuvre de Sailstorfer. Sailstorfer est un rêveur mélancolique qui regarde le quotidien avec les yeux curieux du spectateur. En utilisant des procédés sculpturaux classiques comme la transformation et la décontextualisation, il métamorphose des objets ordinairs comme des pneus, des lampes ou des arbres en images d’une grande valeur esthétique. Sailstorfer a l’œil pour les qualités formelles des objets, mais il laisse aussi de l’espace pour la fiction, l’imagination et le romantisme. Le titre de l’exposition fait référence aux deux éléments qui donnent forme à notre réalité: le temps et l’espace. Sailstorfer le sculpteur tente d’intervenir sur ces élements en faisant activement appel aux sens: la lumière, l’odeur et le son deviennent dans ses œuvres des matériaux malléables, plastiques. Il explore ainsi dans Reaktor - Gent (2011), une œuvre réalisée spécialement pour l'exposition, la manière dont un son monotone remplit l’espace ou comment l’odeur du pop corn envahit progressivement la salle. Il s’interroge sur la façon dont les sculptures occupent l’espace, dont elles se dilatent et dépassent leurs propres dimensions physiques. C’est aussi la première fois que diverses versions de Zeit ist keine Autobahn (2005-2010) sont réunies dans un seul espace. Des pneus de voitures tournent lentement contre le mur et s’usent progressivement. Les pneus produisent un son lancinant et dégagent une odeur de caoutchouc brûlé. La série peut être considérée comme une métaphore du besoin toujours croissant d’accélération de notre société, une accélération qui ne peut déboucher que sur l’autodestruction. Sailstorfer nous interpelle sur notre besoin d’accélération continue, notre quête d’un espace propre et notre notion moderne de mobilité à travers des images ludiques qui plaident à leur manière pour l’arrêt du temps.
A travers son oeuvre, Sailstorfer pose un regard admiratif et poétique sur notre réalité environnante. Comme un enfant qui découvre le monde et tente d’en prendre le contrôle, il transforme des objets quotidiens en images esthétiques qui remettent en question la position de l’homme dans le temps et dans l’espace. Dans Schwarzwald (2010-2011), il nous montre sur un moniteur noir carré un site naturel au plus profond de la forêt de Düren en Allemagne. Il y a créé avec de la peinture un cube de 6 mètres de côté dont chaque branche, chaque feuille, chaque parcelle de mousse est noire. Une image de cette intervention est montrée directement pendant l’exposition en live streaming. Ce qui intéresse ici l’artiste est la transformation de la forêt peinte en représentation dans le musée. Nous ne regardons plus la réalité, mais une abstraction de la réalité. La perspective limitée génère de l’espace pour l’imagination. L’exposition Raum und Zeit présente une sélection d’œuvres des dix dernières années et couvre aussi bien des installations que des photos, des vidéos et des sculptures. De ses œuvres plus anciennes comme Waldzput (2000) en passant par le film en 16mm film Lohma (2008) et les œuvres récentes No Light et Wolken (de 2010), il est clair que rien dans le travail artistique de Sailstorfer ne garde sa position initiale.
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