Paintings and drawings 1988-1999

14.Avr.00
10.Mai.00
Golub 9

Très concerné par les problèmes de société, l’artiste américain Leon Golub (°1922, Chicago) peint depuis 1954 des représentations réalistes qui parlent de pouvoir, de violence, de guerre. 

A l’époque où l’Expressionnisme Abstrait battait son plein, Golub ne recherchait pas l’abstraction mais la figuration, il voulait faire le portrait d’individus qui représentent la société dans sa totalité. Golub essaie de percer les représentations traditionnelles de la société, de provoquer le désordre et de miner les symboles conventionnels de notre époque. Au moyen de représentations de combats, d’interrogations, de tortures, de formes d’abus, de violence ou d’assassinats il examine des notions socio-politiques telles que le pouvoir et l’impuissance. Un des grands thèmes de notre temps est l’histoire de la violence utilisée dans le contexte de guerres civiles et de révoltes, mais aussi de l’agression continuelle et omniprésente qui domine la vie quotidienne. L’œuvre de Leon Golub prend cette violence pour sujet, et ses oeuvres sont d’un format tel qu’elles vous sautent au visage, il en émane une menace indéfinissable. Ses compositions sont faites de corps bruts, avec un sourire exercé et souvent artificiel, un regard perçant et des doigts froids qui reposent sur la gâchette de revolvers chargés. De ci, de là, des chiens écumants apparaissent, ainsi que des crânes. Dans ses premières oeuvres on voit au départ des influences d’art primitif et d’Art brut. Il représente des hommes nus impliqués dans un combat ou une lutte, en tant qu’image universelle de la violence. Au milieu des années soixante Leon Golub met en pratique son engagement politique et il prend part à des actions de protestation contre la guerre au Viêt-nam. Ce sujet fera également surface dans ses toiles. La notion abstraite de la violence est concrétisée. Dans les années 80 l’œuvre est dominée par des thèmes tels que le racisme, l’apartheid et les tensions propres à la vie dans les métropoles.

La série de Sphinx que Golub a réalisée à la même époque est en quelque sorte indépendante de son œuvre ultérieure. Le sphinx devient ainsi une métaphore de la vie (Yellow Sphinx, 1988). Cet animal mythologique tue tous ceux qui ne parviennent pas à résoudre l’énigme : « Qu’est-ce qui marche le matin à quatre pattes, l’après-midi à deux et la nuit à trois ? ». Le sphinx jette un pont entre la vie et la mort et est d’ailleurs toujours représenté comme une créature mi femme, mi animal. Golub relie cette dualité ou ce dédoublement à des polarités telles que l’homme et la machine, la violence et la culpabilité. Dans les années 90 des portraits grandeur nature de personnages de la rue réfèrent à la violence dans les villes. Les personnages représentés se trouvent devant des murs aveugles dans des rues vides. Ils ont un regard provocateur, froncent les sourcils et regardent leur victime sans pitié (The Site, 1991). Les expressions et les attitudes de ces personnages sont basées sur des photos de motards et de machos que Golub trouve dans des revues. Les T-shirts que portent les jeunes, sur lesquels figure une représentation d’un aigle ou d’un chien, le drapeau américain ou une inscription choquante, sont souvent éloquents. Born Free (1992) montre un sans-abri contre un mur où se lisent des graffiti tels que « Fuck off Japan » et « Big Blond ». Ces slogans sont tout aussi significatifs que le regard pénétrant du sans-abri. Try burning this one, Asshole (1991) consiste en une représentation de deux jeunes durs. L’un porte un T-shirt avec le drapeau américain et l’inscription du titre, l’autre touche ses organes génitaux d’une façon arrogante et provocatrice. Dans ces deux dernières peintures, tout comme dans These colors never run (1992) de la même série, la violence est présente de façon tacite. Les garçons regardent tous le spectateur de façon impertinente, ils n’attendent qu’une excuse pour attaquer. Dans une phase ultérieure les graffiti et les inscriptions sur la toile font partie intégrante de l’image générale tout en ayant un sens spécifique. Dans la toile apocalyptique Strut (1994) par exemple nous retrouvons l’inscription « Announcing the end of the world », et dans Are you ready... (1993) on peut lire le slogan « Are you ready for Jesus - it just doesn’t matter ». Les textes avertissent, menacent et interrogent. Dans Infvitabile Fatvm (1994) le titre est une allusion à la précarité. L’image est basée sur la photo d’un guerrier libanais. A ses côtés nous voyons un chien qui fait pipi sur un crâne comme si de rien n’était. Le type de chien qui est intégré dans plusieurs oeuvres de cette période joue un rôle important, tout comme les textes et les inscriptions. Les chiens de rue représentent l’homme qui devient un animal, le chien est une sorte de prolongation de la cruauté des hommes. Dans Beware of Dog (1992) nous voyons un chien qui bave et à côté l’inscription en rouge vif : « Beware of Dog ». L’œuvre semble une mise en garde contre le genre de caractéristiques universelles que tout le monde désapprouve et rejette tout en les discernant en lui-même. Les chiens sont une espèce de version animale des personnages qui errent dans les banlieues et qui regardent leurs victimes d’un air menaçant, comme dans So Much the Worse (1993). Ils sont paranoïdes et créent l’impression qu’il y a continuellement une espèce d’hostilité dans l’air. Le fond des oeuvres de cette période sont souvent des murs nus décorés uniquement par des inscriptions. Pour suggérer des murs fictifs il fait des frottages peints du vrai mur de briques dans son studio. Surtout les bords des briques sont bien visibles, comme dans Happiness... (1993).

Dans les oeuvres de 1995 environ les métaphores de la mort et de la perdition remplacent l’iconographie de la violence. La langue picturale de Golub consiste en inscriptions, tatouages, crânes, et animaux et les éléments isolés sont disposés dans le plan de l’image d’après leur importance et leur fonction. Leur fragmentation importante rappelle les scènes de vanités. De telles scènes attirent depuis des siècles l’attention du spectateur sur le caractère temporaire de la vie et cela par l’emploi d’éléments picturaux métaphoriques tels que la nourriture périssable, les crânes, les fleurs fanées. Chez Golub le crâne est également un symbole de la victime, comme dans Mission Civilisatrice (1996) et Mr. Amok (1996). Dans Prometheus II (1998) le mythe grec de Prométhée est représenté. Ce titan avait dérobé le feu aux dieux et le châtiment qui lui avait été infligé était une torture éternelle : un aigle lui dévorait le foie qui repoussait toujours. Un aigle vole en direction de Prométhée, qui est réduit dans cette toile à une tête isolée, les yeux levés vers le ciel. Son corps mutilé est caché derrière un mur où figure le poster « Guilty Titan Condemned ». L’inscription qui l’accompagne constitue une mise en garde à l’égard du spectateur : « This could happen to you if you get out of line ». The Blue Tattoo (1998) montre un lion épuisé mais fier tenant une carte portant la mention « getting old sucks ». Dans le bas à droite il y a un signe jaune ovale avec le texte allemand « Garantiert, sammlerfreundlich », ce qui est une allusion au fait que la vente des oeuvres de Golub a été pendant longtemps problématique. Dans le jargon des commerçants le terme « a dog » indique effectivement un produit difficile à vendre. L’emblème assure qu’il ne s’agit pas ici d’un « chien », un produit de basse qualité mais d’un lion, un animal qui est associé traditionnellement à des valeurs « supérieures » telles que le courage et la force physique. L’âge est en d’autres termes une charge mais également une garantie de reconnaissance et de qualité. Dans les toiles les plus récentes les motifs deviennent de plus en plus vagues et fragmentés, les éléments figuratifs sont interrompus par la toile non travaillée, les inscriptions gagnent en importance. Dans This day... (1999) l’inscription qui se trouve sur un étendard « this day is ours » est l’élément principal outre la représentation de deux chiens qui se battent et d’un homme qui crie le poing serré. Des petits papiers portant la mention « Killed time » et un dessin avec des squelettes ivres sont ajoutés en tant qu’éléments supplémentaires. La peinture non polie et les toiles rarement tendues sont une constante des oeuvres de Golub. Ainsi les oeuvres semblent des peaux d’animaux, minces, raclées et aux angles arrondis. Golub représente une société double, pleine de contrastes et de conflits, avec l’homme comme noeud d’un réseau d’information. Golub croit au pouvoir de l’art de changer notre expérience personnelle et notre perception du monde. Son œuvre ne se concentre pas seulement sur la réalité individuelle mais aussi sur la réalité sociale. Ses toiles montrent « la vie telle que nous ne voulons pas la voir », une culture et une société qui sont en situation de crise. Les métaphores complexes concernant la vie et la mort, le désir et le physique qu’il utilise encore et encore, réfèrent d’une façon frappante à la tension dialectique entre ce qui est beau et sublime d’une part et la condition mortelle et l’omniprésence de la violence d’autre part.

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