Drawings (1983-1999)

10.Déc.99
26.Fév.00
Decordier painstick

Thierry De Cordier (°1954, Audenaarde) est généralement reconnu comme un des artistes les plus importants de sa génération. 

Le S.M.A.K. de Gand présente du 11 décembre 1999 jusqu’au 27 février 2000 la première exposition individuelle de De Cordier dans un musée belge. Il s’agit d’une exposition de dessins exclusivement. Parmi ces 100 oeuvres environ, la plupart sont exposées pour la première fois.

Les dessins de Thierry De Cordier constituent le cœur de sa pensée et de son action - la cuisine de l’artiste. Ils montrent (littéralement) l’écriture de l’artiste. Ce sont des pensées, des suppositions, des sensations, des considérations, des méditations où l’on s’adresse au monde, où le clocher de l’église est incendié, où le plan d’un potager est élaboré, où un paysage se transforme en un légume ou une partie génitale. Le spectateur est forcé à lire ces tournures de pensées et ces considérations sentimentales absorbées dans toute leur aspiration obscure à l’hésitation et leur finesse en ratissant et en explorant péniblement. Au moyen de ses dessins et de ses écrits, Thierry De Cordier tente ‘d’apprendre la nature par cœur’. De Cordier écrit en dessinant et dessine en écrivant. Il nomme lui-même les dessins "des calques des pensées" dans la tête (trop lourde), les traces légales de la pensée. Ils semblent parfois l’étude d’une sculpture, parfois ce sont « des études après coup" de cette œuvre plastique. Les dessins ne se développent pas en ligne droite mais de façon cyclique. Les thèmes qui n’ont pas encore été élaborés dans l’œuvre sculpturale sont souvent annoncés dans les oeuvres sur papier. Inversement, des motifs plus anciens des sculptures sont souvent retravaillés dans des dessins et des écrits. Ce sont des propositions poétiques pour le spectateur. Ils invitent à une promenade dans le monde de quelqu’un, l’artiste, qui ressent le monde et sa position dans ce monde comme un mystère et qui part lui-même à la recherche, pose des questions, fait des suggestions, laisse des signes.

Dans un certain sens cependant, les dessins, les textes et les sculptures de Thierry De Cordier sont également des messages de l’artiste à lui-même : des remontrances, des automéditations, des relativisations, afin de mieux se comprendre lui-même et les autres. De Cordier prend position entre l’automéditation subjective et la philosophie universelle de la vie, entre la misanthropie et le besoin profondément humain de communication. Ses oeuvres se situent à la frontière entre se taire et parler, entre savoir et oublier. De Cordier a écrit un jour (entre autres sur la sculpture ‘Le Gardien de mon Potager’ dans la collection du S.M.A.K.): ‘Je n’ai absolument rien à voir avec le XXieme siècle’. Ce n’était pas une déclaration d’une personne asociale. L’artiste faisait une tentative de se mettre en dehors du temps afin d’être en mesure de mieux comprendre de l’extérieur sa propre place, et de mieux définir sa position et par extension celle de l’homme jeté dans ce monde. Tout comme Pétrarque escalada le Mont Ventoux et perçut à partir de ce point de vue élevé le monde d’une autre façon, d’une façon claire, ainsi Thierry De Cordier reste à la marge des choses. Et comme il a conscience du fait que l’homme est un ‘manque’, il développe pour lui-même une représentation du monde, une sorte d’une doctrine d’une personne. Il crée à partir d’une espèce de sentiment de malaise à l’égard de ce qu’il est, et il veut toujours échapper à ce qu’il devient ou ce en quoi il dégénère. Thierry De Cordier s’est donné un jour le titre de ‘penseur du dimanche’, et il faut considérer plusieurs de ses oeuvres comme des constructions dans lesquelles l’artiste peut se retirer pour réfléchir et écrire. Ils rappellent souvent la cellule monacale médiévale et le studiolo de saint Jérôme. Avec une foi puissante en la métaphore des statues et l’éloquence des matériaux, De Cordier crée à partir de ces lieux réels et mentaux son univers singulier. "Par ailleurs, point n’est besoin d’être grand connaisseur ou observateur pour percevoir la force magnétique impitoyable de l’art de Thierry De Cordier. On dirait qu’on est aspiré par son œuvre, encouragé à s’approcher, tenté de la toucher et de la posséder, d’en faire soi-même partie. Mais plus on s’en approche, plus on ressent l’irrésistible envie de reculer. L’art de Thierry De Cordier recèle toujours un refus. Au moment précis où on s’imagine posséder l’œuvre, son idée, son auteur, on éprouve toujours le refus, dans l’ascèse, dans le sombre noir. Que pouvons-nous donc encore faire sur le papier avec cet art ? Ne ferions-nous donc pas mieux de nous taire ? Et c’est bien cela: je voudrais bien me taire, mais j’en suis incapable. Je suis en effet bien trop impressionné par cette œuvre, et ce qui me touche, je ne puis le laisser entièrement sans paroles. Il demeure tant de choses dans cet art qui se soustrait à l’empire de la raison, créant ainsi l’espace pour le désir, que je tiens à expliquer, à situer, à communiquer mon propre désir. Cet art ne se comporte effectivement pas comme un objet, ou seulement comme un objet. Il vit, il bouge. C’est comme si De Cordier retournait à cette histoire de l’art où l’artiste recherchait l’unité cosmique des éléments. Il serre et glisse péniblement les éléments dans une forme indivisible, pour en faire une unité indissociable, omnivalente et dévorante." (extrait du texte de Jan Hoet dans le catalogue)

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